La forêt était claire en ce matin d'hiver,
J'étais là adossé au tronc d'un arbre creux,
Le soleil au loin, achevait son lever,
Embrasant dans sa course et la mer et les cieux.
Cette aube je te la dédiais, à toi, ma douce,
Toi, qui je l'ai cru, avait lu en mon âme,
M'avait pris par la main, toi qui seule contre tous
Avait franchi mes ombres m'éclairant de ta flamme.
Là dans la pénombre, je regardais, caché,
Ces quelques amoureux, amants dans le matin,
Qui venaient admirer, l'un et l'autre enlacés,
Ce lever tout en feu et éclats cristallins.
C'est là que je t'ai vu, le tenant pas la main.
Vous vous êtes avancés parmi les autres couples
Il était grand et beau, l'opposé de certains,
Tu allais à son bras de ta démarche souple.
Sans doute est-ce un ami, m'exhortais-je au début.
Je sais par expérience qu'on a tord de juger
Et qu'un premier regard ne dévoile pas plus
Qu'une image froissée par d'amères pensées.
Mais lorsque ses lèvres sur toi se sont posées,
Que du creux de l'épaule elles sont passées au cou,
Que d'une étrange ardeur tu t'en es emparées,
Lors j'ai su que l'amour pouvait me rendre fou.
Je suis un assassin, tu le sais, tu l'as su.
J'ai fait couler le sang, moins souvent que les larmes.
Ma vie est dans la mort, la douleur ma vertu,
Le poison, mon ami, est posé sur mes lames.
La raison s'évanouie quand sourde est la fureur.
Moi bien au contraire j'avais les idées claires.
Tout était calculé, je ne fis pas d'erreur,
Et personne ne me vit arriver par derrière.
Froid comme le marbre, j'avais l'âme glacée.
Je n'avais nulle haine envers cet imposteur,
Tu es celle pour qui peut naître le péché
Je ne pris nul plaisir à lui percer le coeur.
Son corps glissa à terre, dévoilant à tes yeux,
Celui qui dans ton lit, avait passé la nuit
Et qui de ses caresses de ses baisers fiévreux
Avait repu son âme au nectar de ton fruit.
Tu étais allongée dans les draps, frissonnante,
Quand je t'avais quitté, bien avant le matin.
J'avais abandonné dans ce lit une amante,
Pour découvrir ici ton reflet de câtin.
J'avais les poings serrés et je tremblais un peu,
Ivre de sentiments un instant refoulés.
Tu aurais du t'enfuir, t'éloigner de mon feu,
Mais d'un coup tu souris, me laissant désarmé.
Autour de nous, des cris, hurlements de terreur,
Ajoutaient au chaos qui m'envahissait l'âme.
Quand, soudain des taillis, de partout et d'ailleurs,
Surgirent des guerriers en livrée et en armes.
Tu pleurais, tu criais, superbe comédie,
Et soudain t'affalais sur celui qui gisait.
Ils étaient si nombreux et j'étais si aigri,
Que de me ligoter ils eurent vite fait.
Ils me mirent les fers, me frappèrent, m'injurièrent,
Avec beaucoup de zèle pour des gens impliqués.
L'homme était très connu, c'était un dignitaire,
Quelqu'un qui dérangeait et qu'il fallait tuer.
Tout était calculé, rien laissé au hasard.
Nul procès ne pourrait aider à me défendre.
En partant tu lanças, un de ces doux regards,
Un de ceux, pour lesquels, demain, on va me pendre.