La porte de la taverne s'entrouvre et une tête rousse apparaît : "il paraît que vous voudriez me connaître un peu mieux....bien... alors je peux vous raconter mes débuts dans la vie ou du moins ce dont je me souviens...."
Spicy s'installe en face de ses interlocuteurs et ferme les yeux, elle se rappelle :
-« Chut, Spicy, pas un bruit….Ne bouges pas, reste cachée là…. »
Ces mots murmurés hâtivement dans mon oreille je les ai entendus tellement souvent toutes les nuits qui ont suivies, ils résonnent encore parfois dans mes rêves…
Ce visage grave, buriné, creusé par l’âge et les responsabilités, ces fils d’argent dans une barbe fournie, ce regard anxieux : est ce mon père ?
Cette flamboyante chevelure, ces yeux doux qui me scrutent et m’encouragent, cette voix inquiète : est ce ma mère ?
Ces visages s’estompent avec le temps qui passe, et plus j’essaie de les retenir plus ils me fuient…
Cette petite fille apeurée, qui pleure et dont les larmes gèlent instantanément sur son visage, c’est bien moi.
Pourquoi ne sont ils jamais revenus, qu’est il advenu d’eux, le saurais je un jour ?
Ce monde m’est hostile, ces contrées glacées et sauvages se dressent contre moi.
J’ai faim, j’ai froid, j’ai peur. Mais l’instinct de survie est le plus fort : la neige fond dans ma bouche, et je mâche les rares plantes que je trouve. C’est amer et cela me rend malade souvent mais j’apprends vite et bientôt je sais trouver les nids et les œufs nécessaires à ma survie.
Est ce ma solide constitution ou la rage de m’en sortir, la chance peut être ? Je traverse ces mois, ces années en m’adaptant à mon environnement ; je croise souvent des cadavres (restes de combat violents) et je récupère ma première arme auprès de l’un d’eux. D’instinct je sais où trouver des proies pour améliorer mon ordinaire, don transmis par mes ancêtres peut être ?
Je continue à me méfier de tout et de tous le monde, deux jambes, quatre pattes, la nature est cruelle et les hommes avides. Ma vie se bâtit sur une soif de liberté que je cherche à préserver mais cette solitude est parfois pesante. Au cours d’une de ces traques je m’enfonce dans une caverne à l’écart, c’est chaud et ça sent très fort, une bête habite ici certainement ! Un ronronnement grave se fait entendre et des gémissements plaintifs, tout près, encore plus près …. Je lève mon fusil prête à défendre ma vie : je les voie au fond dans l’ombre dans un recoin, une masse énorme et sanguinolente couchée sur le flanc, à ses côtés un tas de poils qui s’agite.
L’ourse est blessée, mortellement sans doute. Elle grogne et respire par à coups, le petit se frotte à elle, la mordille, cherche à retenir cette vie qui s’en va. Dans ses yeux une dernière lueur qui vacille et s’éteint. Je protège mon avant bras d’un morceau d’étoffe et attrape son rejeton qui ne se laisse pas faire volontiers.
_ « Orphelin, toi aussi, je connais cela, vient n’est pas peur » ces mots s’échappent de ma bouche.
La boule de poils me renifle sous toutes les coutures, et je fais connaissance avec ses pattes agiles et ses griffes pointues, peu importe je la serre contre moi et l’emporte. Nous ne serons plus seuls…
Spicy ré-ouvre les paupières, regarde en face ses auditeurs ....
-"Voilà ce que je peux vous dire aujourd'hui, mais cela est toujours douloureux pour moi d'évoquer le passé. Une autre fois je vous raconterais des aventures plus joyeuses, mais maintenant je m'en voudrais de partir sans remercier Opalina et Khassys, qui depuis notre rencontre déjà ancienne m'ont été d'une grande aide et ont fait preuve à mon égard d'une extrême générosité puisque c'est grâce à eux que je suis parmi vous aujourd'hui.
Spicy se lève, s'incline et sort en laissant sa chopine vide sur la table.