AAArrrrggggg

La porte de l’auberge s’ouvre en claquant violemment et une forme s’écroule sur les dalles de pierre.
Maurice pose le verre qu’il était en train d’essuyer, saisit une lourde poêle en fonte et se dirige prudemment vers la chose qui gît à l’entrée.
« -Qu’est-ce que c’est ?! Qui va là ?
Voyant que la créature ne bouge pas, il s’approche plus près. Visiblement, si elle avait envie d’en découdre, quelque chose s’est chargé de lui en faire passer l’idée. Il la pousse du bout du pied mais elle n’émet qu’un faible gémissement.
D’où il est, il peut voir qu’il s’agit d’une femme, ses vêtements sont déchiquetés, imbibés de sang, la peau en dessous est bleuie, coupée, brûlée, griffée . Horrifié, l’aubergiste préfère ne pas essayer d’imaginer ce qui a pu lui arriver.
Il se penche pour écarter la chevelure roussie et emmêlée qui cache son visage.
-Dame Mélune ! Ca alors ! Mais qu’est-ce qui s’est passé ?? A L’AIDE ! AU SECOURS !
Maurice appelle en secouant doucement la prêtresse inconsciente.
-Bon sang mais qu’est-ce qu’ils sont allés fabriquer encore…
Un paysan fait irruption dans la salle commune de l’auberge.
-Ah ! Venez m’aider à porter Dame Mélune sur ce canapé ! Ensuite courrez chercher un médecin, un prêtre, quelqu’un !
Les deux hommes se saisissent de l’elfe qui semble revenir à elle, elle pousse un cri de douleur ou de terreur, encore habitée par les épreuves qu’elle a du affronter.
Ils l’installent avec précautions sur les coussins moelleux.
- Ka…Kara…zhan…tous…morts.
-Non ! C’est pas possible ! Messire Khassys ? Dames Serpolet, Opalina, Dragonia, Samanthea ? Eraedun…Elle divague…Oui c’est ça ! Elle divague !
Le médecin arrive enfin et se précipite vers l’elfe ensanglantée.
- Je m’en occupe Maurice, sortez, essayez d’en savoir plus sur ce qui s’est passé. »

Une heure plus tard, l’aubergiste entre discrètement dans l’auberge, le médecin est toujours au chevet de la prêtresse, il a nettoyé ses plaies et bandé les blessures les plus graves.
-Alors ? Comment ça va ?
-C’est passé près cette fois. Vous savez ce qui lui est arrivé ?
-On m’a dit qu’ils avaient prévu d’aller à Karazhan ce soir, ils voulaient se venger de Moroes.
-Mmm, je comprends mieux, les fous. Il va falloir chercher d’autres survivants, en espérant qu’il y en ait. Il faudrait organiser un groupe de recherche.
-Et Dame Mélune, elle va se remettre ?
-Oui je pense, elle est solide mais veillez à ce qu’elle se repose vraiment pendant un bon mois. Rien de plus fatigant qu’un bouquin au coin du feu si vous voyez ce que je veux dire. Pas d’alcool, nourriture légère et surtout du calme.
-J’y veillerai Docteur ! Au revoir et merci.
Le médecin récupère sa sacoche et sort.
-Il va falloir que je cache l’elfe ailleurs que dans sa chambre alors…dit pensivement l’aubergiste.

La porte s'ouvre encore une fois avec Fracas faisant sursauter les membres présents.
Un nain ensanglanté à la face furibonde entre, lance un regard de défis à celui qui osera lui adresser la parole. La hache couverte de tripes qu'il tient fermement en main peut à elle seule décourrager son lot.
Il se dirige en suite le long de l'escalier pour rejoindre sa chambre.
Une dizaine de minutes plus tard, il en sort, non moins prorpre, et plantant dans la porte de la pièce un parchemin à l'aide d'une dague, s'en va d'un bon pas rejoindre son bouc à l'extérieur.

On peut lire sur l'affiche :

"Le premier qui entre dans cette chambre en mon absence, j'lui découpe les oreilles à mon retour !"

/HRP
Khassys va prendre des vacances au moins jusque lundi.
Mélune c'est toujours un plaisir que de te lire
A bientôt
HRP/

Maurice se dit que décidemment la journée s’annonce mauvaise.

La porte de la taverne s’ouvre pour la troisième fois de la matinée et il se prépare au pire mais il ne s’agit que d’un messager qui lui tend une enveloppe cachetée.

-« Taverne de Poulptown ?, c’est pour vous, missive prioritaire » lui assène l’homme qui lui fait face avant de tourner les talons et de ressortir aussi rapidement qu’il est entré.

Maurice n’a guère l’habitude de réfléchir mais ce jour là est particulier…

Devant l’indisponibilité des chefs de la guilde qui ont élu domicile chez lui, il se demande bien à qui faire parvenir ce courrier et après avoir pesé le pour et le contre, s’arme du couteau qui lui sert à découper les volailles et fend l’enveloppe.

Une feuille d’un papier de très belle facture s’en échappe et Maurice se penche pour la ramasser et déchiffrer péniblement son contenu :



« Note d’information à l’attention des dénommés Compadres, taverne de Poulptown »



Nous vous informons ce jour de l’admission de la Sœur Serpolet au sein du service hospitalier du Couvent de la Vive Lumière de la région de Forgefer. Son état est jugé grave bien que le pronostic vital ne soit pas engagé selon les Sœurs qui ont procédé à son examen clinique. Une enquête interne va être diligentée par les services compétents afin de connaître les raisons précises de son état actuel. Toutefois, la Très Respectée Mère Supérieure souhaiterait vivement avoir des éclaircissements sur les faits et gestes récents de la susnommée.

Elle s’interroge en effet sur le sens des paroles prononcées par notre Sœur lors de ses rares moments de lucidité, paroles qu’elle me demande de vous retranscrire ici intégralement :



« Dame de Vertu j’te botterais le cul

Salle de banquet j’les exploserais

Tonneaux de bière plein je viderais

Dès qu’à Kara j’r’mettrais les pieds »



Vous conviendrez aisément que de telles paroles laissent les membres de notre confrérie assez perplexes, quoique la Très Respectée Mère Supérieure dans son extrême mansuétude veuille bien les mettre sur le compte du traumatisme que notre Sœur semble avoir subi.

Nous comptons donc sur votre diligence pour nous faire parvenir toutes informations que vous jugerez utiles à notre meilleure compréhension de la situation.



Sœur Scripte Papyrus du Couvent de la Vive Lumière de la région de Forgefer au nom de la Très Respectée Mère Supérieure



Maurice, n’ayant évidemment pas tout compris dans les formulations alambiquées de la lettre, se décide alors à l’afficher au dessus du comptoir comptant sur le fait qu’un membre de la guilde passera bien à un moment ou à un autre boire un coup ans l’auberge.

/HRP
Mouhahahahahah... hehe..
HRP/

La porte s'ouvre avec fracas , sortant ce coup-ci de ses gonds.
Le vieux nain, se dirige directement vers le comptoir et le contourne laissant un Maurice terrorisé, la chope qu'il était en train d'essuyer ayant éclaté à ses pieds.
Se penchant le nain hisse un gros tonnelet sur ses épaules et apperçoit, se faisant, le mot affiché.

"Ah Ouais !"

Il repose le tonnelet et prend derrière le comptoir de quoi écrire.

"A la TRGS !

Faites bien de prendre soin de Serpolette, parce que sinon j'déboule dans les couloirs et j'raconte aux novices vos exploits de quand vous êtiez jeune ! Et chuis sûr que ça va en défriser certaines !

Ah bonne entendeuse salut !"

Le nain roule le parchemin et le tend au barman qui s'en saisit.

"Envoie ça à l'autre grognasse. A remettre en main propre."

Maurice ne peut empêcher un sourrire à l'évocation des mains propres en voyant le sang séché que celle du nain a laissé sur le parchemin.

Le nain hisse de nouveau le tonnelet sur son épaule et s'en repart.

La matinée ayant été un peu mouvementée, Maurice s'installa au bar et se servit une bonne rasade de bière du néant distordu, dernière acquisition de la taverne. En effet, Samyas, fin alchimiste avait réussi à concocter une boisson à base de néantine et autres composants secrets.

- " Fine en bouche.. hum... j'dirais une pointe d'adamantite.. hum... ah ? tiens donc.. le goût change, plus piquant... hum.. uuurrrh.. aaaarr... ggglourggg.. AAAHHHH ! "

Maurice détala dans l'arrière boutique, poussa précipitamment les dizaines de tonneaux stockées pour se jeter sur une bouteille cachée derrière une tenture murale représentant la "Présidente".

- "Aaaaahhh .. aarrg.. de l'eau.."

Ce fut à ce moment que la porte de la taverne s'ouvrit à nouveau avec fracas.

- "Maurice ? Ou es tu ? Quels sont ces cris ? Maaauuurrriiiice ?"

Le tavernier cacha vite la bouteille (l'eau à Poulptown ayant été interdite l'année passée) avant de retourner derrière son bar sifflotant, l'air de rien. Il découvrit Eraedun, tout nickel, dans sa robe rose et portant des lunettes noires.

- "Tiens Messire ! Vous ici ? N'êtes vous pas alités après votre bataille d'hier soir ? Il parait que la dame de Vertue vous a causé des soucis...

- Des soucis ? Les femmes ne sont pas des soucis mon ami ! Il faut juste trouver la manière ! La Manière Maurice ! Et moi Maurice ! Aucune femme ne me résiste ! Cette dame ! Aaaaah cette dame ! Elle a de l'allure ! Comparée à certaines Compadres... dont je tairai le nom... De l'Allure Maurice ! Et avec cette bande d'énergumènes ? Non mais Maurice !! Comment veux tu qu'on y arrive avec cette bande d'énergumènes ?!? Il faut leur apprendre la Manière Maurice ! le gros qui fonce sans crier garre ! La petiote à couettes sans couette qui passe furtivement par derrière ! Et cet ours qui ne sait même pas qu'il faut s'incliner devant une Dame ! Aaah Maurice ! Quelle dame !

- Vous avez l'air d'être assez en forme ? J'ai récupéré dame Mélune dans un piètre état. Et ce cher Khassys n'était pas dans sa plus grande forme ! Il n'a bu qu'un tonneau...

- De la bleusaille Maurice ! Je suis un vétéran de l'armée ! Chevalier Maurice ! Et on m'a refilé de la bleusaille ! J'ai eu quelques trous dans ma jolie robe mais Elemias s'en occupe. Je peux sortir tout de même avec ma robe de fête... héhé.. J'ai vu quelques dames qui se tournaient su mon passage... Elle en pète Maurice ma robe ! Foi de couturier ! Bon.. C'est pas tout mais j'ai une longue journée devant moi.. Je dois aller tuer des élémentaires de feu pour récupérer des granules ! Raah mais quel métier ! J'te jure ! "

Le mage avala d'un trait le gobelet que le tavernier lui avait servi et pris le chemin de la sortie.

- "De la bleusaille Maurice ! J'te l'dis ! De la bleusaille ! AAaaah mais quelle femme ! "